L’Enlèvement sur la licorne ou L’Enlèvement de Proserpine

Dans cette scène mystérieuse, Dürer a exploité à merveille les possibilités artistiques de l'eau-forte, technique dont il est un des pionniers. Comme bien d'autres de ses gravures, celle-ci pose un problème d'interprétation. Pendant longtemps, on a voulu y voir L’Enlèvement de Proserpine par Pluton, dieu des enfers. Cela pourrait toutefois se référer à des légendes d’Europe médiévale. Dans le dessin préparatoire de la gravure, conservée à la Pierpont Morgan Library de New York (I, 257a) un cheval - et non une licorne - piétine un amas de corps féminins. Ceci renvoie à la croyance populaire des sorcières enlevées à leur mort par le diable et condamnées, avec leur cavalier, à errer sans trouver la paix. Cette interprétation est soutenue par l'expression douloureuse du visage de l'homme – toutefois sans cornes - et par l'ambiance fantomatique du paysage. La puissance dégagée par cette eau-forte tient en partie aux mouvements impétueux de la licorne et des personnages, accentuée par la vitalité de l'écriture. En effet, dans le vernis, la pointe ne rencontre pas la même résistance que le burin dans le cuivre ; elle peut donc suivre le rythme vif de la pensée de l'artiste. Pour ses eaux-fortes, Dürer utilisait des plaques en fer ; mais ce métal a le défaut de s'oxyder rapidement, ce qui nuit à la qualité d'impression. La magnifique épreuve de Decker a été tirée avant l'apparition de la rouille, vraisemblablement du vivant de Dürer.

Cuvette : 304 x 211 mm (au trait carré) Support : 310 x 212 mm

Au recto, daté et monogrammé, dans l'image, en haut vers la droite, gravé dans la plaque: "1516/AD". Au verso, numéroté, en haut vers la droite, au crayon: "22"; inscrit, en bas à gauche, au crayon: "D 33"; inscrit, en bas à gauche, au crayon: "21"