Les Trois Croix

Cette monumentale gravure est considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de Rembrandt et de l’histoire de l’estampe. Elle doit sa célébrité tant à sa technique d’exécution, gravée directement à la pointe sèche et au burin sans recours à l’acide, qu’à l’inventivité de l’artiste. Le quatrième état des Trois Croix reflète particulièrement l’audace du graveur, créant une composition entièrement nouvelle après de légères modifications de la plaque au cours des trois premiers états. Il efface une grande partie de sa composition au grattoir et au brunissoir, plonge la scène dans l’obscurité et cherche à évoquer l’instant précis de la Passion où Jésus exprime ses doutes sur son salut avant de succomber. Avec un tracé épais, Rembrandt relègue dans l’ombre les deux autres croix du bon et du mauvais larron, et redessine de nouveaux personnages. L’artiste ne s’attache plus à décrire fidèlement le récit chrétien mais rend compte d’une vision personnelle du Golgotha. Ce sujet montre « l’imagination dramatique » que Pierre Decker appréciait particulièrement chez Rembrandt. L’épreuve du collectionneur présente un encrage généreux au noir profond qui participe au sentiment de spiritualité. Il s’agit d’un des premiers tirages de cet état, avec des barbes fraîches. La feuille est passée par des collections prestigieuses avant d’être achetée par Decker. Son ami le pasteur William Cuendet avait cherché à l’acquérir en 1926. Dans son testament, Decker la donne à son ami et collègue Serge Cordey, également professeur de médecine, avec le souhait qu’elle rejoigne les collections de l’État de Vaud à sa mort. Il la légua « en souvenir du Professeur Decker » en 1977.

Cuvette : 387 x 453 mm Support : 389 x 455 mm

Au verso, inscrit, en bas à droite, au crayon: "n.886 [entouré]"; inscrit, en bas à droite, au crayon: "Les trois Croix/3ème épr. beaucoup plus rare que la 2de"; inscrit, en bas à droite, au crayon, "B.78"; inscrit, en bas à droite, au crayon: "Bartch 78"